BUNNY — run after me

Il y a une vidéo, parmi les autres, qui a fait parler d’elle.
Tu venais de te faire renverser par une voiture, sans os cassés ni égratignures. Mais t’étais muette. Si t’avais vraiment voulu, t’aurais pu parler, c’était qu’une question de volonté. Rien, physiquement parlant, ne t’en empêchais. C’était toi qui avait décidé de plus ouvrir la bouche. Alors Dice t’as mise en congé, en espérant que tu te rétablisses vite. Après tout, ils étaient fautifs, tu t’étais faite renversée durant tes heures de boulot chez eux, parce qu’une assistante t’avais suppliée d’aller chercher des costumes. T’avais accepté, la main forcée parce que toi ton job se limitait à la salle d’enregistrement.

Suite à ça, t’as à nouveau sortie ta guitare, tes partitions. Tu les as étalées et ça t’as travaillée. T’avais une boule dans le fond de la gorge, reliée au fond de ton estomac, ça te brûlait. Alors tu t’es déchaînée, t’as voulu tout faire sortir, t’as tout filmé. L’anonymat en étendard, tu l’as postée cette fameuse vidéo, sans rien en espérer. Mais la vidéo a explosé, il y a quelque chose qui a plu dans ton amateurisme. Dans ta voix qui parfois frôlait la fausse note, ta guitare un peu sourde. Dice t’as contactée. Et t’oublieras jamais leur tête lorsqu’ils t’ont vu débarquer. « Soy. Content de te revoir. T’as besoin de quelque chose? On a un rendez-vous, la personne va pas tarder à arriver. Si ça peut attendre, reviens dans une petite heure. » T’as laissé échapper un rire en sortant le masque de ton sac, ça t’as fais sourire de voir leurs têtes. T’as imprimée cette image dans ton esprit.

T’as signé un contrat avec eux. T’as été difficile, Soy. Tu voulais rester anonyme, tu refusais d’être avec d’autres personnes à moins que ça soit des musiciens. Tu voulais pas changer de style musical. Et surtout, tu voulais garder ce vieux masque. Bunny est né grâce à eux, le groupe SHUT UP BUNNY aussi. Parce que tu te souviens du premier concert que t’as donnée, que t’étais morte de trouille. Que la nausée t’as acidifiée la trachée, que t’en as eu la nausée. Ça fait à peine un an que leur ancienne ingénieur du son est devenue un nom. Un petit, tu partages pas l’affiche des grands. Mais tu dénotes dans le paysage. La basse est violente, t’hésites pas à déchirer ta voix, à te déchaîner. T’es pas organisée, tu danses pas, le show est pas visuel chez toi. Parce que c’est pas à toi de danser, c’est à eux, à ceux qui écoutent.

Et t’as beau aimer Dice, ne pas faire de vagues publiquement, tu les embêtes quand même vachement. Parce que tu sais ce que tu veux mais surtout parce qu’il faut te porter à bout de bras. C’est pas simple de travailler avec toi, lorsque tu craques avant un concert, que tu quittes le studio furieuse sans explications parce que t’arrives pas à à faire part de tes états d’âmes. Alors oui, heureusement pour toi Bunny, que les ventes sont bonnes, que l’anonymat rend fou, que tu dénotes parmi le reste. T’es pas la numéro un chez eux, tu le seras peut-être jamais. Mais c’est pas ça qui t’effraies. C’est qu’ils finissent par se lasser de toi, eux, comme le public.